La naissance du thé n’est pas uniquement contée par les livres d’Histoire. Ses origines lointaines plongent en effet leurs racines dans les légendes du thé. Toutes, attestent de son statut de boisson singulière. L’identité même du thé, qui confine au merveilleux et au divin, ne facilite pas la tâche de l’historien. Il est en effet souvent difficile de dénouer la vérité historique de la légende originelle.

Or, qu’ils soient ou non avérés historiquement, ces contes des origines sont loin d’être dénués d’intérêt. Ils témoignent en effet du caractère éminemment culturel et civilisationnel du thé depuis son apparition. Il nous a semblé intéressant d’explorer l’Histoire de votre boisson préférée à la lumière des mythes qui entourent sa naissance.

En nous suivant sur les routes de l’imaginaire, vous parcourrez les terres de Chine, mais aussi d’Inde et du Japon. Vous comprendrez également les liens étroits qu’a noué le thé avec la spiritualité et le raffinement, et ce depuis toujours. C’est donc un voyage en poésie et en délicatesse que nous vous proposons aujourd’hui. Celui d’explorer toujours plus avant l’Histoire de votre breuvage fétiche.

La naissance du thé, une légende chinoise

Une myriade de légendes entoure la naissance du thé. Selon la plus répandue d’entre elles, il serait apparu vers 2737 avant JC. Son apparition serait due à une découverte fabuleuse de l’Empereur Chen Nung. Tout, en cette légende, évoque le caractère merveilleux de cette boisson si singulière. En effet, cette époque est considérée par beaucoup comme l’Âge d’Or de la Chine. Elle est dite alors peuplée de dieux et de créatures merveilleuses. L’ordre et la vertu y régneraient en maître.

Le thé serait donc apparu à une ère prospère et juste, digne de ce breuvage semblable à nul autre. Dans ce contexte singulier, Chen Nung n’était, quant à lui, pas non plus anodin. Il est en effet présenté comme le père de l’agriculture et de la médecine. Cet être divin à corps d’homme et à tête de bœuf, serait le créateur de la civilisation chinoise. On lui prête aussi la qualité d’ordonnateur du Monde, de l’Univers et du Temps. On dit qu’il fut celui qui apprit aux hommes à labourer la terre. Il présidait ainsi, chaque année, une cérémonie pour célébrer l’agriculture et les plantes bénéfiques pour la santé de la population.

En tant que père de la médecine, il ordonnait à tous de faire bouillir l’eau avant de la boire. Cette mesure d’hygiène élémentaire était l’on ne peut plus révolutionnaire à l’époque et fut vite largement adoptée. Or, un jour de forte chaleur, il se reposait sous un arbre sauvage. Pris d’une grande soif, il fit bouillir de l’eau pour se désaltérer. Sous l’effet d’une brise légère, des feuilles se détachèrent alors de l’arbre et tombèrent dans sa tasse. Surpris, il contempla l’eau se parer de teintes ambrées et parfumées avant de la boire. Il se délecta alors d’une boisson fabuleuse. Le thé était né.

Le thé, un symbole d’abondance et de vertu

D’autres légendes font mention du thé à différentes époques de l’Histoire de la Chine. Toutes témoignent de la place prépondérante qu’occupe cette boisson dans la philosophie, la culture et le raffinement chinois.

Ainsi, au IIIème siècle avant JC, sous la dynastie des Tsin, une vieille dame serait venue chaque jour au marché avec une tasse emplie de feuilles de thé. Elle en aurait vendu de l’aube au crépuscule, sans jamais en être à court. La légende dit qu’elle distribuait par la suite l’argent collecté durant la journée aux orphelins et aux indigents.

L’idée d’abondance et de vertu est ici capitale. Le thé apparaît comme une boisson miraculeuse. Il se régénère en effet sans cesse pour qu’une tasse unique puisse subvenir aux besoins des plus pauvres. Cette légende n’est pas sans rappeler d’autres mythes de tradition méditerranéenne, tel que le mythe grec de la corne d’abondance.

Déjà, des liens s’esquissent entre le thé et la vertu. C’est en effet bien pour subvenir aux besoins des plus faibles que le thé se régénère. Il est donc une source de justice sociale et de charité. Or, comme nous allons le voir, des ponts vont vite être jetés entre cette boisson millénaire et le domaine spirituel. Bien plus qu’un breuvage civilisationnel, le thé va devenir très rapidement le symbole et l’instrument d’une philosophie. Il représente un art de vivre, un rapport au monde empreint de sagesse et de spiritualité.

Le thé comme vecteur d’un nouvel élan culturel en Chine

À l’aube du IVème siècle, le poète Wang Xizhi (305-367) et les aristocrates menèrent des pratiques anticonformistes au taoïsme. Elles étaient basées sur la recherche de procédés visant à allonger la vie (changsheng), à fortifier le principe vital (yangsheng), et à rendre au corps toute sa splendeur. Le thé s’imposa alors comme une ressource précieuse dans ce nouvel art de vivre.

Un homme joua, dans ce contexte, un rôle majeur : le grand maître taoïste Ge-hong (283-343). Il maîtrisait en effet la pharmacopée et la médecine. Il en avait appris les rudiments grâce à des séjours auprès de populations aborigènes aux abords de Canton. Or, le thé y apparaissait comme un médicament très efficace contre certaines maladies, notamment la goutte. Mazarin saura s’en souvenir des années plus tard alors qu’il tentait de soigner ce mal. Il adopta alors une consommation assidue du breuvage ambré.

Le thé devint donc le partenaire indispensable des nouvelles pratiques culturelles qui venaient bouleverser la tradition taoïste. On le para de mille bienfaits, dont celui de rendre la vue et de fortifier l’âme. Il tonifiait aussi le corps, asseyait la volonté et chassait le sommeil et la léthargie. Le thé participa ainsi pleinement à l’essor de nouvelles pratiques spirituelles, et ce sur tout le continent asiatique.

Bouddhisme et thé, le mariage de cœur et de raison

Le bouddhisme entra en Chine dès le IIème siècle. Ce n’est cependant qu’à partir du VIème que sa ferveur s’intensifia considérablement. Les nombreux pèlerins venus d’Inde et d’Indochine qui sillonnaient l’Empire du Milieu, nourrissaient peu à peu le continent d’une spiritualité intensément vécue.

Grâce à la prospérité au sud et aux relations avec l’Océan indien, le bouddhisme se développa très fortement. Ce fut, parallèlement, à cette époque que l’on put voir la naissance d’une véritable société aristocratique. Le thé y occupait alors une place centrale.

Il est vrai que les préceptes bouddhistes retentissaient avec une force singulière dans la culture chinoise. Elle s’accordait parfaitement bien avec cette nouvelle religion. Dans un mouvement syncrétique, les moines bouddhistes se retrouvaient dans l’idéal chinois du sage retiré dans la montagne. Le yoga bouddhiste n’était pas très éloigné des extases taoïstes, et vint même les enrichir. Tout concordait pour que les deux cultures, l’une venue d’Inde et l’autre de Chine, se complètent et s’enrichissent l’une l’autre.

Dans ce mouvement d’interpénétration culturelle et religieuse, le thé occupa une place de choix. En effet, les bouddhistes l’appréciaient tout particulièrement pour ses vertus énergétiques. L’éveil et l’énergie sont en effet fondamentaux lors de la méditation. Le thé est également goûté des taoïstes pour des raisons similaires. Il conquit bien vite le cœur des pratiquants de la nouvelle religion. Le thé joua donc un rôle d’importance dans cette imprécation du bouddhisme en Chine. Ce bouleversement religieux et culturel, était tel qu’il est entré dans la légende.

L’origine du thé selon la légende de Bodhi-Dharma

Bien que le thé soit né en Chine, il revêt une importance toute singulière au Japon. En effet, après que cette boisson a essaimé sur le continent asiatique, la culture japonaise l’érigea en marqueur de civilisation. Comme nous l’avons vu, la cérémonie du thé est ainsi majeure dans le raffinement et l’art de vivre japonais. Au fil des siècles, la boisson millénaire est devenue une pierre angulaire de la voie japonaise du zen. C’est d’ailleurs sur la Terre du Soleil Levant qu’a vu le jour l’une des plus vivaces légendes du thé. Il s’agit de la légende de Bodhi-Dharma.

Les légendes du thé de l’Inde au Japon

Bodhi-Dharma encouragea donc ses proches à cultiver les graines de ce buisson extraordinaire. Il fit naître ainsi la culture du thé. De nos jours, un œil averti saurait distinguer dans les feuilles de thé, la forme des paupières ourlées de cils. Il existe bien d’autres légendes liées à Bodhi-Dharma que nous aurons l’occasion d’explorer dans de futurs articles !

Le thé comme moteur de civilisation

Un Prince indien, devenu ascète, aurait reçu le secret de la méditation, transmis par Çâkya-mouni à ses disciples. Il aurait donc percé le mystère qui mène à la voie de l’Éveil et du Bouddha. Venant en Chine du Nord dans le courant du VIème siècle, il y devint le premier patriarche Zen. Il aurait alors fait le vœu de rester éveillé neuf ans durant, pour prêcher le bouddhisme en Chine. Or, un soir, éreinté, il se serait endormi. À son réveil, pris de remords et d’une honte indicible, il se serait coupé les paupières et les aurait enterrées. Repassant sur la même route quelques années plus tard, il y découvrit un buisson dont il grignota les feuilles. Il s’aperçut que ces dernières avaient la propriété de maintenir éveillé.

La légende de Bodhi-Dharma, bien que très répandue au Japon, ne fait pas florès en Chine. En effet, à l’époque où il aurait foulé l’Empire du Milieu, le thé y était déjà cultivé depuis longtemps. Cet anachronisme relègue définitivement cette histoire dans la légende. Elle met toutefois en exergue les liens très étroits qu’entretien le thé avec la spiritualité et le bouddhisme en particulier.

Comme nous l’avons vu, le thé revêt une telle importance dans les civilisations du asiatiques que ses origines sont légendaires. Il ne s’agit pas en effet d’une boisson comme les autres. Dès son apparition en Chine, le thé a bénéficié d’un statut particulier. Stimulant le corps et éveillant l’esprit, il est un allié précieux dans la quête du bien-être et du bien-vivre. Outre le développement spirituel qu’il entraîna dans son sillage, le thé participa a l’essor de nombreux arts. Aujourd’hui, tous font la splendeur des civilisations chinoises, japonaises et asiatiques au sens plus étendu. Nous les aborderons lors de futurs articles !

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